Nous sommes tous attablés à la large table de chêne massif de la salle à manger, comme le stéréotype de la parfaite petite famille anglaise. Du moins, la scène aurait pu être parfaite ; au centre trône le « rôti du dimanche », que ma mère - plus par tradition que par réelle envie de nous faire manger quelque chose de « raffiné » - a pris une demi-journée à préparer, les bougies sont alignées, le service des grands jours à été sorti ; seule la place qu'occupait Tristaniel est fatalement vide et ça, ça c'est le détail qui foire tout... Ma mère bécote du bout des lèvres un morceau de salade sans prononcer mot, mon père ouvre la bouche de temps pour me demander le sel ou le plat de pommes de terres. Pour ma part, je ne touche pas à mon assiette, sur le moment, le repas me répugne. « Tu ne sais pas la dernière chéri ? Il paraît que Mrs.O'Price est enceinte. » Sa phrase avait été lancée d'une voix doucereuse et avide de ragots croustillants. Mon père mime l'étonnement en lui faisant les gros yeux. Je sais qu'il n'en a rien à faire de ce qu'elle déblatère. Il n'en a rien à foutre de rien de toute façon. « C'est pas vrai ? Elle a quel âge ? 45 ans ? » Et tout deux commencent à casser du sucre sur cette pauvre femme qui n'a rien demandé à personne. Ils m’écœurent. Après quelques longues minutes à les écouter dire qu'elle est une égoïste de faire un enfant si âgée et que ce dernier ne pourra pas profiter bien longtemps de sa mère, je laisse tomber volontairement ma fourchette dans l'assiette. Ils se retournent vers moi et coupent net leur conversation comme je l'avais présagé. Je les dévisagent avec dégoût. « Comment vous pouvez faire semblant que tout va bien ? » Ma mère, cette vielle radasse me regarde comme si je venais de jurer. « De... De quoi tu parles Ra... » « Je parle de ton fils, de mon frère, qui est parti... * Ma voix se perd * Depuis un mois déjà, et vous, vous comportez comme s'il n'avait jamais existé. » « Mais enfin Raphaël, tu peux com... » Mon père la coupe d'un signe de la main, soumise, elle s’exécute. « Ton frère a décidé de faire sa vie loin de nous. Grand bien lui fasse, je n'irais pas pleurer sur son sort. Et je ne serai pas étonné le jour où en lisant le journal le matin, je tomberai sur son portrait dans les avis mortuaires. C'était un bon à rien. » Il se ressert un rasade de vin. Je sens la haine monter en moi, j'ai envie de lui cracher au visage tout le poison et l'animosité que j'éprouve pour lui à ce moment précis. Ma mâchoire commence à trembler et mes yeux me piquer. J'ai la bile au bord des lèvres. Je ne pense plus à la raison du départ de Tristaniel, de ce qu'il a fait, de ce qu'il m'a fait. Je défends ce qui m'appartient simplement. Je me lève et lance violemment mon assiette à terre. Ma mère étouffe un cri, mon père se lève lui aussi d'un bon. « Comment tu peux parler de Tristaniel comme ça ?! T'es qui pour parler de lui de cette façon ?! » Je ne parle plus, je m'époumone. « Raphaël ! Ne prends pas ce ton avec moi où je... » Je fais quelques pas en sa direction et viens me poster à quelques centimètres de lui. « Ou quoi hein ? Tu vas me frapper ? C'est ça ? Tu vas me virer de la maison ? Me déshériter ? » Il me regarde de ses yeux globuleux, sa moustache frétille et son front est perlé de sueur. Je retrousse mes lèvres et lui lance d'une voix emplie d'aversion en approchant un peu plus mon visage du sien. « T'as pas de couilles de toute façon. A croire qu'on est les fruits de l’immaculé conception. » Mes mots sortent comme un dégueulis impossible à contrôler. Pris au dépourvu, il me regarde quelques instants - son portrait plus rouge que jamais – et fait claquer sa main contre ma joue. Je ne cille pas, même si la douleur est lancinante et continue de le dévisager pendant quelques instants avant de quitter la pièce avec fracas. Je sors de la maison haletant, ravalant mes larmes et me lance dans une marche « vers l'inconnu ». Laissant derrière moi, ces vieux cons bouffer leur rôti. A bien y réfléchir, j'aurais du jouer dans l'anticonformisme et lui coller une moi aussi, ça m'aurait défoulé.
Bien que Tristaniel soit parti de son plein gré, je ne peux m'empêcher de me sentir en quelque sorte coupable, sauf que... Je ne sais pas pourquoi. Je lui en veux, terriblement, mais son absence me pèse. Je ne peux pas me passer de lui, ce serait comme de priver un alcoolique de boisson ; c'est inconcevable. Mais ce pauvre type, avec ses idées tordues, a mis tout en œuvre pour se chasser lui même du foyer. Y penser rend ma rage encore plus foudroyante. Je pousse un grognement et me rends compte que je suis déjà à quelques pâtés de maisons de chez moi, dans la rue où habite Wanda. Je ne rentrerais pas ce soir, ça relèverait du suicide. Je traverse la rue et m'engage dans l'allée du jardin de celle-ci. Arrivé sur le perron, je sonne et attends quelques instants avant de voir la porte s'ouvrir sur celle que j'attendais. Sans trop réfléchir, je me jette dans ses bras et laisse partir ce trop plein d'émotion avec lequel je vis depuis quelques semaines. Des larmes coulent le long de mes joues pour venir s'étouffer dans ses cheveux, mes mains se crispent sur son dos. Je ne me suis jamais mis dans cet état là. J'en avais jamais réellement eu l'occasion. A croire que ma vie avait été brodée du début à la fin en fil d'or. Mais une chose est sûre à présent. Le jour où Tristaniel est parti, il a emporté une part de moi avec lui.

Que dire sur mon caractère ? C’est certainement la question la plus difficile à laquelle répondre, il est à peu près impossible d'avoir une réponse concrète. Pour réellement cerner une personne, il faudrait demander à des proches à lui leur façon de le concevoir et encore, là, ils commettraient des erreurs… Pour mon cas en l'occurence, il faudrait demander à Tristaniel qui est certainement la seule personne à pouvoir faire un semblant de présentation exacte sur moi; mais pour l'instant, il est dans l'incapacité de le faire. Pour faire simple, je suis quelqu’un d’assez respectueux, j’ai été élevé dans les bonnes manières pour être né dans une famille aux conceptions assez strictes et prudes. On m’a toujours dit de bien me tenir à table, de ne pas jurer, de ne pas être luxurieux, de ne pas utiliser l’orgueil comme arme principale et de surtout respecter son prochain. Je ne dirais pas que j’ai suivis au pied de la lettre ce qu’on m’a inculqué si on part du principe que la rancune et vice font partie intégrante de mon quotidien. Pour l’anecdote, je ne m’excuse jamais, je préfèrerai mourir la bouche ouverte que de prononcer ce terme « je te pris de m’excuser », et même si j’ai tort, il faut l’admettre, je n’irais jamais m’excuser ; question de principe, même s’il me porte la plupart du temps défaut. On me qualifie souvent de « garçon manipulateur », ignares, la manipulation est une ressource de laquelle il faut user, généralement, elle permet de se mettre bon nombre de personnes en poche, néanmoins elle est à pratiquer avec précaution car l’effet boomerang est généralement immédiat si vous ne savez pas en jouer méticuleusement. Il n’y a par contre un seul trait de caractère que je ne cautionne pas c’est l’égoïsme, je suis loin de l’être, même si on l’a souvent été avec moi, que ce soit avec l’affection qu’avec le matériel. Narcisse serait le prénom qu'il aurait fallu me donner à la naissance, sans me vanter (ou alors si) je me trouve foutrement beau. S'il était possible que je puisse coucher avec moi, je le ferais (hj: big up pour tristaniel). La franchise est aussi quelque chose qui me caractérise très bien, je ne sais pas si vous avez déjà remarqué cela. Je suis quelqu'un qui a du mal a se retrouver seul très longtemps; la solitude est comme qui dirait quelque chose qui m'effraie, je ne pourrais pas vivre en ermite, certitude. Je préfère nettement avoir une cours à mes côtés sur laquelle je peux compter. Même si en lisant ces livres, vous devez vous dire que je suis quelqu'un d'asocial, je peux vous certifier que le contraire est approuvé. J'aime être au contact des autres et comme je le disais précédemment, je suis quelque peu dépendant des personnes qui m'entourent. u.c