Pendant qu’Dave me lâche un « heyyy » mécontent, probablement parce que j’viens d’lui faire foirer sa drague (genre c’est ma faute) elle gribouille la commande et m’fait un sourire en coin, accompagné d’un clin d’œil. Eh. J’suis trop crevée pour lui rendre son sourire j’pense. Et bon, j’suis pas fan d’l’idée d’en ramasser une à l’Aphrodisia. J’la regarde partir (bon j’avoue j’ai l’regard qui dérive. C’pas ma faute, c’est le costume.) et j’la vois qui s’retourne.

« Elle me kiffe. » C’est sûrement ça.

Bon c’est pas tout ça mais j’ai hâte qu’il nous fasse un coma éthylique, franchement. J’aime pas l’ambiance ici. J’préférerais baver sur des jolies nanas avec des mecs qu’ont pas encore besoin de viagra. Les vieux bedonnants qui s’rincent les yeux sur des filles presque mineures, ça m’donne légèrement la gerbe. Du coup, j’me «concentre» sur ce que mes crétins de potes bourrés racontent. C’est pas méga intéressant mais c’est mieux que les types de la table d’en face qui agrippent les fesses de ma serveuse. La serveuse. Bref. J’arrête de regarder, dégoûté. Ça m’enrage. M’en même temps ça fait partie d’son boulot alors-

BANG BANG BANG. « NON MAIS CA VA PAS GROS PORC ! TU ME PRENDS POUR QUI ! MÊME POUR 15000 DOLLARS, JE PREFERERAI NETTOYER LES CHIOTTES AVEC MA LANGUE !! PAUV’ CON ! »

O_o … C’est… elle vient de lui foutre son plateau sur la tête là ? Une chance que j’ai retenu Dave tiens. Elle l’aurait mis K.O en moins de deux. J’crois que je vais effectivement garder les mains chez moi, histoire de pas m’retrouver sous la table (et pas à cause de l’alcool). Elle revient. Ok, ok. Merde. Bon. Regarde ses yeux, Bleys. Ses yeux. Ahem. Elle pose nos verres et me sourit. J’lui rends son sourire, qui doit un peu s’apparenter à une grimace. Faudrait pas qu’elle le prenne mal hein. J’mets mes deux mains autour de mon verre et j’surveille les autres. Pas besoin. Ils r’gardent tous la jolie serveuse avec de grand yeux. Enfin Dave pourrait toujours tenter sa chance, vu comment il louche. Fout rien, mec. Quoique si elle le frappe comme elle a cogné sur l’autre pervers, j’pourrai le ramener à la maison, il sera plus en état. J’m’apprête à boire une gorgée histoire de faire passer la frousse que la d’moiselle vient de me faire, quand j’entend une voix masculine en train de l’engueuler. La pauvre. Elle doit pas être une habituée à mon avis, vu comment elle réagit. Ça m’donne des frissons rien que d’y penser. J’voudrais pas être son copain, quoi : chérie, tu veux pas faire un câlin ? ZBAM ! PAS CE SOIR J’AI MAL A LA TÊTE ! … SPLOUSHH !

Pu-tain. Je suis. Plein. De bière. En relevant les yeux, j’vois Bunny qui me regarde, l’air complètement paniqué/fou. Elle me hurle de ne rien dire, et c’est à peine si j’ose bouger. Définitivement pas une habituée. Putain de merde, déjà qu’j’me coltine mes potes complètement raides… Respire Bleys, respire. Ne fais rien que tu pourrais regretter. Comme taper cette pauvre fille avec son plateau et la jeter sur les genoux du vioque de la table d’en face. Calme toi. Bordel c’est dégueulasse, je pue la bière. Et bientôt c’est pas que la bière que j’sens, alors qu’un parfum féminin m’assiège les narines tandis que ses fesses si convoitées se posent sur mes cuisses. Au secours ! Automatiquement, ma main vient se poser sur sa hanche et.. je fige. Pitié, qu’elle remarque pas, je veux pas mourir… La peur et la fureur se livrent une guerre sans merci et empêchent mon bras de bouger. J’suis quand même en position de force quand on y pense. J’peux rappeler l’membre du staff, toussa toussa… Mais le regard paniqué qu’elle m’a servi m’empêche toute action en ce sens. J’ai qu’à partir –dès qu’elle se lève- et ne plus jamais revenir ici. On oublie tout ça, les mecs s’en souviendront pas et j’pourrai effacer cet événement traumatisant de ma mémoire. On fait comme ça. La meuf se lève, et s'éloigne un peu. Mon t-shirt me colle partout sur la peau, et la bière se réchauffe rapidement. J'préférais son parfum quand même.

« Bon allez on se casse. Debout les gars. » Ça proteste de tous les côtés. « J’suis couvert de bière, putain ! DEBOUT. »
« T’as qu’à enlever ton t-shiiirt rooooh. Les nenettes vont toutes te sauter dessus. » Il a l’air de se trouver super brillant. Et décide d’en faire de même. C’est pas vrai… Bon il est coincé en plus. J’me pince l’arête du nez. Pourquoi moi ? Putain pourquoi moi ? Bon au moins comme ça il pourra pas résister. Un bras en l’air, la tête à l’intérieur de son haut, il a vraiment l’air con, et surtout, il est pas en position de se défendre. J’laisse de l’argent sur la table, le lève et j’l’emmène. « Les gars. Voiture. » J’entraîne Dave vers la sortie pendant qu’les autres finissent leurs verres, à moitié debout. « Hey, Bunny. » Ouais, la serveuse. « Tu ferais mieux d’éponger la bière, si tu veux pas que ton patron revienne. »