Il est parti, il s’est envolé, pour faire le tour du monde m’a-t-elle avoué. Bien sur elle était bouleversée, après tout c’est son frère mais je crois qu’elle n’a pas imaginé la moindre seconde l’impact que cette nouvelle pouvait avoir sur moi. Et pour la première fois de ma vie, j’ai d’abord pensé à moi plutôt qu’à ma meilleure amie et je suis partie. Je ne pouvais pas supporter sa tristesse sachant que la mienne devrait rester confinée au plus profond de moi-même, j’en étais tout simplement incapable. Alors je l’ai serré contre moi brièvement et je suis partie, claquant la porte derrière moi sans prendre le temps de récupérer veste ou clés. J’aurais du car il faisait froid dehors mais cela me faisait du bien, je crois, de sentir ce vent glacé s’infiltrer dans le moindre de mes pores. Mes cheveux refusaient de rester sagement sur mes épaules m’empêchant de voir convenablement où je marchais. Au final peu importait, je n’avais pas de but précis, juste le besoin de me retrouver seule avec moi-même. Mes pas hasardeux m’amenèrent jusqu’au pont surplombant la rivière et je m’appuie sur le bord, tremblante de la tête au pied, laissant les voitures défiler dans mon dos. La seule personne qui avait réussi à faire basculer mon cœur venait de s’envoler vers de lointaines contrées sans même savoir que j’existais, et au fond, c’était ça qui me causait le plus de chagrin. N’avoir rien fait, être restée là à le regarder en silence, sentant mon cœur battre un peu plus vite. En sa présence, je devenais presque quelqu’un d’autre, faisant attention à chacun de mes mouvements, chaque parole que je pouvais prononcer était d’abord passée au crible par mon cerveau en état d’alerte maximum. Mais désormais tout cela était terminé.

Une main m’attrapa l’épaule et me retourna violemment. Pendant les trois millièmes de secondes que durèrent ce tour, j’imaginais Max m’annonçant qu’il était revenu pour moi, qu’il ne pouvait partir sans m’avoir avoué ses sentiments. Malheureusement ce n’était qu’un visage inconnu qui se tenait devant moi et mon cerveau m’envoyant désespérément des signaux de danger fut pour le moment ignoré, après tout il ne m’avait guère était d’un grand secours ces dernières années. L’homme était bien plus grand et semblait vouloir dire quelque chose. Revenant à la réalité lorsqu’il me secoua violemment comme si je n’étais qu’un vulgaire prunier, j’ai enfin compris le flot de paroles incompréhensibles qui sortaient de ses lèvres. « VOUS NE POUVEZ PAS SAUTER VOUS M’ENTENDEZ ! QUELQU’UN VOUS ATTENDS FORCEMENT QUELQUE PART, VOUS ETES TROP JEUNE CE SERAIT TELLEMENT STUPIDE ! MAIS BON SANG REGARDEZ LA REALITE EN FACE LA VIE EST TELLEMENT BELLE ! » Il continua comme ça pendant quelques minutes et je le laissais faire. Sa voiture était plus ou moins à cheval sur le trottoir, gênant toutes celles venant derrière. Entre le vent qui me cinglait le visage et cet homme qui criait et continuait à me secouer, tout ce que je pouvais faire était subir. Il se trompait, semblait être entré dans une sorte de transe assez étrange, semblait vraiment préoccupé par ma pauvre petite vie ce qui, tout égoïste soit-il, me ravissait. Certes c’était pour les mauvaises raisons, je n’avais bien entendu pas la moindre envie de sauter par-dessus ce pont. Quand bien même l’eus je fait la distance était trop courte pour me procurer autre chose qu’une bonne angine vu la température de l’eau. Si jamais je devais me suicider j’essaierais au moins de ne pas me rater, c’était la moindre des réflexions à faire avant de tenter ce genre de choses, du moins c’est ce que je pensais au moment où il arrêta de me secouer. Me gardant toujours entre ses mains, il riva son regard au mien et sembla comprendre qu’il y était peut-être allé un peu fort. Je le vis comprendre tout seul qu’il avait fait une erreur monumentale et remarqua les légères rougeurs qui sont apparus sur ses joues. « Vous n’aviez pas l’intention de. » Je le coupais avant qu’il ne finisse, peu désireuse de laisser son embarras s’étendre. « Absolument pas. » Il bégaya quelques débuts de phrases qui ne menèrent à rien jusqu’à réussir à ordonner sa pensée. « Mais … Vous n’avez ni veste ni sac à main, sur ce pont, il doit faire dix degrés à tout casser et vous … » Bon pas si cohérent que ça au final mais c’était mieux que rien. « Et je suis partie précipitamment mais sans intention aucun d’attenter à mes jours je vous assure. » Il semblait … soulagé, du moins c’est comme cela que j’interprétais la réaction qu’il eut face à ma révélation. Il fini enfin par le lâcher et j’essayais vaguement de redonner contenance à ma coiffure bien que cela ne servait à pas grand-chose vu que le vent œuvrait toujours envers et contre tout. « Laissez moi vous raccompagnez alors, pour la gêne occasionnée par hum … » Je remarquais qu’il ne s’excusait pas mais c’était mieux que rien dirons nous. Cependant en pensant à ce qu’il m’attendait chez moi, mon sourire en coin disparu et mon visage reprit cette imperméabilité qui était mienne lorsque j’étais blessée et que je refusais de le montrer au reste du monde. Lui pour autant comprit immédiatement, un autre écorché vif peut-être. « Ou vous payez un café, cela vous réchaufferait sans aucun doute. » C’est seulement maintenant que je me rendais compte que je tremblais de tous mes membres. Qui plus est je n’avais aucune raison de refuser, il ne risquait pas de me tuer au moins ça j’en étais certaine ! Hochant la tête, je le suivis jusqu'à sa BM et monta à l’intérieur lorsqu’il m’ouvrit la portière.