- J'avais tellement l'impression d'être oppressé. J'avais l'impression que des milliers de cloches sonnaient dans ma tête. J'avais l'impression je n'allais pas tarder à exploser, à m'enfuir. Pourtant, ce n'était bel et bien que des impressions. Le simple regard froid et foudroyant de mon père me fit redescendre sur terre. J'observai mes pieds quand une voix féminine stridente appela mon nom. J'ai gagné, encore. Cette année est la dernière où je me présente devant ces visages tristes, monotones certains, d'autres jalouses de mes parents mais pire méprisantes vis à vis de ma personne. Je me levai et m'approchai de la dame. Elle me remit le trophée sous les yeux fiers de mes paternels. « Prix du meilleur élève » lus-je à voix basse. Quel imbécile a eu l'idée loufoque de créer ce trophée? J’ai préparé un discours. Un long texte où des mots que j’avais trouvé par hasard dans le dictionnaire figuraient. Je ne voulais pas le lire. Le moindre mot, chaque sentence … tout sonne faux dans ce j’ai écrit. J’ai quatorze ans bientôt quinze, je suis une mauviette, j’ai mal à la tête, j’ai un père machiste, j’ai une mère soumise, j’ai une vie de chien, j’ai tout réussi mais je n’ai absolument rien. Tout se brise à l’intérieur mais à l’extérieur, l’image intacte persiste à vivre. Pourquoi ?

J’aurai pu m’appeler Maurice, Edward ou Harry. J'aurai préféré être du fumier plutôt que ce que je suis en ce moment. J'ai à peine quatorze ans. Pour ce qu’il me fait subir, je blasphémerai toute ma vie Dieu. Je me retourne et comme à son habitude, mon père m’adresse le regard le plus sombre du monde. Je décale vers ma mère. Ses yeux sont plein d’émotions, elle est fière, elle m’encourage et je sens une aura chaude m’entourer. Je regarde à présent vers la foule. Je vois flou. Je remercie la dame et commence à lire. A peine, eus je le temps de dire ‘Bonsoir’ que j’entends des imbéciles de me classe huer. J'en fais abstraction. Je suis, comme on dirait, habitué à ce genre de moqueries primitives. J’ai été formé pour être brillant. J’ai travaillé tellement dur là-dessus, je sais que si je relâche maintenant, j’en subirai les conséquences. Mes peurs. Je dois les éviter, les fuir. Je cours vite mais elles me rattraperont. Que dois-je faire ? Dieu n’a jamais été avec moi, l’espoir est égale à la joie qui règne en moi. Je suis partagé entre deux mondes. Deux ‘moi. Je continue alors, malgré les insultes que j’entends venant des autres. Seulement, je trébuche sur un mot. Des rires, encore. Mais je fais le sourd. Pourtant, deux mots me transpercent l’âme et me déséquilibrent totalement. ‘Sale con’ était sorti de la bouche d’Archibald Fletchey. Mon père. Ou plutôt, l’homme qui me mutile l’esprit. Je m’arrête net et ne dis plus un mot. Je ne mérite pas qu’il me traite de sale con alors que je n’ai trébuché que sur un mot. J’ai une bouffée de chaleur. J’ai une forte envie de lancer mon trophée dans sa face. Sa douleur n’atteindrait même pas un seul pittoresque degré de ma souffrance, de ce que je subis depuis que je sais marcher.

Mon esprit se brise et dans ma tête résonnent mes cris. ‘Va te faire.’ Je lui lance de toutes mes forces mon trophée. Ca le touche à peine, il a eu le temps de l’éviter. Un sourire répugnant se hisse sur son visage. Ses traits sont encore plus hideux. ‘Et tu te dis un mec ?’ Lâcha-t-il. C’est vrai, je suis qu’un faible, un gringalet. Mais, ce n’est plus lui qui décidera. Les visages autrefois hautains sont maintenant ahuris. Je m’en vais alors, en direction de la porte qui est synonyme pour moi de liberté. Personne ne me suit. Comme je l’espérais, comme je l’imaginais. Dehors, je suis sur le trottoir quand j’entends mon prénom. Ma mère. Non, non, non. Elle ne devait pas me suivre. Elle ne doit pas venir. Il est vingt trois heures, la route est déserte. Je fais comme si de rien n’était et continue en traversant celle-ci. Seulement, à mi-chemin ma mère m’a déjà rattrapé. Le souffle coupé, elle tient mon bras. Je ne désire pas être violent avec elle. Autant écouter ce qu’elle a me dire. ‘Où comptes tu aller ?’ Sa question me fait comme l’effet d’une claque. J’avais complètement omis que je n’avais personne, en dehors de ma « famille ». A mon silence, elle comprend. Elle sourit. Sortant son agenda bleu à la gravure doré, elle cherche puis en arrache une page. Une fine page avec une adresse écrite dessus. Ma propre mère va m’aider dans mon escapade ? Non, c’est moi qui vais l’abandonner à son triste sort. ‘Rends toi ici, ce sont des proches amis à moi… dis leur qui tu es, ils comprendront.’

J’eus à peine le temps de la remercier que deux lumières nous illuminèrent, elle et moi. Qu’est ce qui se passait ? Qu’est ce qui se passait ? Qu’est ce qui se passait ? Qu’est ce qui se passait ? Qu’est ce qui se passait ? la question allait à la vitesse lumière dans ma tête quand tout à coup, plus rien.

truth be told I've tried my best. but somewhere along the way,I got caught up in all there was to offer and the cost was so much more than I could hear.

J’ai fait un rêve. J’ai rêvé que j’étais à la une des journaux. J’ai vu que j’avais réussi quelque chose. J’ai aperçu un sourire sur mon visage. J’ouvris les yeux pris d’une pulsion soudaine. Le plafond est blanc, il y a une télé. Les draps sont immaculés et je suis sur un lit. Un lit d’hôpital. Mes jambes sont comme gelées ; tout mon corps l’est. Je ne peux rien faire à part fixer le plafond. Fermer les yeux. J’ai le sentiment de l’avoir trop fait. J’arrive à bouger le bout de mes doigts, un petit peu mes mains. Une jeune femme entra dans la pièce froide où je me trouve. Elle ne semble pas me voir, elle semble habituée, c’était comme une routine de venir ici changer les doses de médicaments. Elle se pencha sans me regarder pour atteindre je ne sais quoi quand elle jeta un œil sur moi. Et là, nos regards se croisèrent et ses yeux étaient à présent aussi ronds que des O. Elle sortit alors sans que je puisse dire quoique ce soit. Après ça, j’ai subi des séries d’examens et j’ai finalement fermé mes yeux pour les ouvrir le soir.

Lorsque mes paupières se sont levées, plusieurs personnes se levèrent comme si ils m’attendaient depuis des lustres. Miracle, j’arrivais à bouger. J’avais surtout l’impression que mon corps m’était inconnu, qu’il était loin d’être mien. Aucun souvenir dans ma tête, le néant profond. ‘Je suis où, là ?’ Tentai-je finalement. ‘Fiston, écoute, c’est compliqué à expliquer, ne sois pas énervé ou ne te… enfin, ça te ferait fatal.’ Je ne le connaissais pas, et j’avais demandé où j’étais, pas une séance de psy ratée. ‘Bordel de chiotte vous allez me dire où je suis ?’ criai je essayant en vain de me lever et de m'imposer. Pourquoi avais je haussé le ton ? C’est la voix rauque de cet homme qui avait causé cette montée d’adrénaline. . Il en resta bouche bée. D’où ces inconnus me connaissaient-ils ? J’avais sur le moment, envie de tout détruire, de tout briser. Je me sentais atrocement brisé. Je commence alors à faire un excès de colère. Certains infirmiers balaises vinrent me remettre en place. Des visages indescriptibles, ma voix qui résonne dans toute la pièce, une seringue qui me met KO, voilà les premiers souvenirs de ma nouvelle vie.

Encore un réveil. Combien de fois allais-je ouvrir de cette manière mes yeux et affronter le monde ? Je suis attaché. Je soulève ma tête et aperçoit femme rousse. Des longs cheveux qui tombent en cascades. La trentaine. Ma sœur ? Elle me remarque, ferme son livre, se lève, s’approche, sort un papier et commence à lire. ‘Reed,’ entreprit-elle. Je m’appelle Reed? ‘Car oui, tu te surnommes Reed, Reed Donald Fletchey. Il y a deux semaines, tu as eu dix sept ans. Tu étais un élève brillant durant ton enfance, tu étais aimé de tous, à l’école ou chez toi. Tu aimais le foot, tu étais un gosse fantastique et je suis sur que tu l’es encore. Tu étais tout pour ta mère et moi. Seulement, une voiture t’a renversé à tes quatorze ans et tu es resté dans le coma. A la deuxième année, ta mère n’a su tenir plus longtemps. Exténuée, elle a laissé son âme entre les mains de Dieu.’Finit-elle. Tout alla tellement vite, après.

- Elle m’expliqua qui elle était, ma belle mère. Ma belle mère de quinze ans mon ainée. J’ai revu mon ‘père’ après. Ses explications, ses mots, le nouveau monde, ma nouvelle famille, les albums photos, les clichés où j’ai l’air d’un gamin heureux, petit à petit tout me fit oublier ce démon qui me donnait des autrefois envies de destruction. J’essaye d’être quelqu’un que j’avais été. Je me dis et me perçoit sans relâche être toujours le même et pourtant, j’ai l’impression de voler une identité et d’être entièrement dans le faux. -

I'm not afraid of anything in this world. there's nothing you can throw at me that I haven't already heard

Je rattrape la balle que mon père me lance. Je lance, elle entre dans l’anneau et retombe. Il la ramasse. On recommence ainsi, encore et encore. Le cours de l’humanité a repris son cours et moi j’essaye de suivre. Puis… Je sens quelque chose de chaud me traverser. Je sens comme si pendant l’espace d’une demi-seconde, mon esprit m’avait quitté. Je sens comme si tout me revenait. Mon regard se perd dans mes sombres souvenirs. Mes pensées eux, viennent et s’évaporent. « Mon père » m’appelle. Il répète mon prénom encore et encore. ‘T’es qu’un sale merdeux, Archie’ lâchai-je. Je m’étais réveillé sans une once d’idée de qui j’étais et la seule chose qu’on trouve à faire, c’est de me dire que j’étais quelqu’un d’autre ? Le monde tourne-t-il ironiquement à l’envers ? Mon accident, c’était à cause de lui. Et ma mère ? Elle était avec moi, elle m’avait couru après. ‘Qu’est ce qui lui est arrivé ?’ il comprend sans explication ce qui se passe. Je n’aurai pas la lourde tâche de lui expliquer que son fils prodige avait retrouvé sa putain de mémoire. Je ne sais pas si c’est médicalement possible ou j’ignore quoi, mais là, toutes les images de ma sois disant enfance de rêve reviennent, doucement mais très surement. Je continue à le fixer, lui qui est maintenant aussi flasque et déchu que ce que j’étais à mes quatorze ans. ‘Elle était avec toi au moment de l’accident. Elle est décédée sur le coup (..).’ Qu’il aille en enfer, ce fumier. Je me souviens, à quel point nous étions effrayés par lui. Il était tellement grand et maintenant, je pourrai le cracher au visage. C’est de perdre sa famille qui l’a rendu ainsi ? De ne pas avoir couru après moi, après ma mère, sa femme ? Il a bien raison de culpabiliser. Finalement, tout retombe, les rideaux se lèvent et les personnages disparaissent pour laisser place aux acteurs. Tout aurait pu bien finir, seulement, il jugea bon d’ajouter un commentaire. ‘… Mais, tu as franchement été un gamin de partir de la pièce.’ Mon sang se glaça. Je me jetai sur lui et tout ce que je voulais c’est qu’il saigne. Qu’il périsse. Il me supplia d’arrêter mais je continuai à lui mettre des poings, encore et encore jusqu’à ce que les voisins viennent m’arrêter. ‘Qu’est ce que tu fais reed ! tu l’as presque tué !’ ‘Dommage’.

- Maintenant, c'est mieux que personne ne me parle, que je ne me lie à personne. Les excès me prennent, mon poing part souvent sans raison et bordel, je n'aime pas qu'on me pose des questions. -